Les 7 fondements

PRISE DE CONSCIENCE, PRISE DE POSITION, PRISE EN CHARGE

Comme le propose l'ACELF, « la construction identitaire est un processus hautement dynamique au cours duquel la personne se définit et se reconnaîtpar sa façon de RÉFLÉCHIR, d'AGIR et de VOULOIR, dans les contextes sociaux et l'environnement naturel où elle évolue. »
(ACELF 2006)

La personne est donc l'auteur de sa personnalité, de son évolution, de sa transformation. La construction identitaire est donc le projet de toute une vie…

Aussi, il est important de mentionner que l'on ne peut pas faire la construction identitaire d'une personne, pas plus que l'on peut apprendre pour elle.Le modèle de la Pédagogie culturelle souligne la pertinence de créer un contexte favorable à la réflexion, à la remise en question, aux dialogues interne et externe (prise de conscience), à l'affirmation de ses valeurs et de ses choix (prise de position), ainsi qu'à la responsabilisation et à la mobilisation (prise en charge), enfin à tout ce qui amène la personne à développer une autonomie culturelle dans sa construction identitaire.

Le terme « PRISE » est très important puisqu'il implique que l'individu est le moteur de sa quête d'identité...

À noter qu'il y a divers niveaux de profondeur pour chacune des étapes sur les plans de la conscience, de l'affirmation de soi et de l'agir. ; on lesretrouve dans le prisme de la transformation.

CONNAISSANCE DE SOI ET DE L'AUTRE / VALEURS / SENSIBILITÉS

La connaissance de soi et des autres est le point de départ dans la quête d'identité puisqu'on se distingue par les relations qu'on entretient avec les autres; on précise ce qu'on a en commun ou ce qui nous différencie des gens qui nous entourent.

Lorsqu'on veut amener la personne à se dire de façon authentique, dans le cadre d'échanges et de dialogues, il est évident qu'on fait appel à la vulnérabilité, à la non-complaisance, ainsi qu'aux conflits d'idées ou de valeurs, d'où l'importance de créer un climat de confiance. De-là l'importance de prendre le temps de bien se connaître puisque c'est indispensable à un environnement propice à l'intimité. S'assurer de gérer les sensibilités pour créer un contexte favorable à l'authenticité et à la transparence, dans un climat de respect et d'altruisme.
Surtout, il faut voir ces moments de rencontre comme faisant partie de notre tâche d'accompagnatrice accompagnateur en construction identitaire et non pas du temps perdu, ou mal utilisé…donc prendre le temps !

En pédagogie culturelle, on propose l'atteinte de trois niveaux de connaissance de soi et de l'autre :
a) la reconnaissance : le premier contact positif
b) l'ouverture: la curiosité agréable
c) l'aisance : l'intimité et la connivence.

C'est dans ce fondement que nous retrouvons toute l'importance et la teneur de l'ACCUEIL…
Il est important de voir l'accueil non pas comme une activité de rentrée mais surtout comme une attitude pédagogique qui influence notre agir et nos propos dans nos relations d'être. Il s'agit de s'ouvrir à toutes les dimensions de la personne donc : ses goûts, ses valeurs, son rythme, accueillir le changement, la diversité etc……. Accueillir c'est s'ouvrir

OUTIL ULTIME DANS L'ARTICULATION DE SOI

En pédagogie culturelle, le terme communication orale dépasse l'acquisition du vocabulaire et rejoint davantage le concept de l'outil premier qui m'aide à me dire, c'est-à-dire l'articulation du « MOI ». Plus la personne est appelée à dialoguer, à se raconter, à se confier, à partager ses valeurs, à débattre des concepts, à confronter des idées, à résoudre des problèmes, à créer, à rire, etc., plus elle est en mesure de faire de la construction de sens, tant
au niveau de la construction du savoir que de la construction identitaire.

Nous proposons trois sphères de communication :
1) dire : posséder le vocabulaire de base
L'utilisation d'interventions pédagogiques ludiques est fortement suggérée puisque ces exercices permettent à la personne d'acquérir le vocabulaire essentiel dans un contexte de plaisir.
2) se dire : posséder et décoder le langage affectif portant sur les émotions, les valeurs
À noter que nous utilisons le mot « langage » plutôt que « vocabulaire » puisque nous incluons les « non-dits » tels que le ton, le langage corporel, l'attitude, etc.
3) oser dire : posséder l'assurance personnelle et l'estime de soi nécessaires à l'affirmation culturelle
Nous proposons la gestion d'un contexte où l'on invite la personne à dire tout haut ce qu'elle pense tout bas.
Encourager la personne à partager son opinion personnelle dans le cadre de dialogue authentique.

À noter qu'il y a une forte corrélation entre les 3 niveaux de la connaissance de soi et des autres et la profondeur du dialogue. La personne «ose dire»
lorsqu'elle se retrouve dans un environnement où le climat de confiance règne et que l'accueil, le respect sont choses courantes.

COMPÉTENCE – AUTONOMIE – APPARTENANCE / VALORISATION INTRINSÈQUE

En s'inspirant de la théorie de l'autodétermination de Deci / Ryan, le modèle de la Pédagogie culturelle soutient que pour éprouver un sentiment d'appartenance, la personne doit être en mesure de contribuer, de jouer un rôle clé dans son devenir personnel et dans sa collectivité. Donc, dans le mot « appartenance »… nous mettons l'accent sur le mot « PART ».

« La fierté n'est pas une consigne » Jim Howden. Le sentiment de fierté chez une personne naît du fait que celle-ci se sent compétente, capable de relever des défis et de contribuer à son milieu. C'est en relevant des défis ou en vivant des expériences de succès que la personne se sent fière. Ceci conduit à l'affirmation de soi. En pédagogie culturelle, nous favorisons la valorisation intrinsèque. D'où l'importance de proposer des stratégies qui réussissent à accroître le sentiment de compétence, favorisant l'assurance et l'autonomie au niveau de ses apprentissages ainsi que sur le plan culturel dans sa construction identitaire. Nous croyons qu'il faut éviter les récompenses et les menaces qui gardent la personne dans un contexte de motivation extrinsèque et n'encouragent pas l'autonomie et la responsabilisation.

CONVICTION, INTÉGRITÉ, QUÊTE D'EXCELLENCE

Tout au long de notre vie, des gens simples ont de l'impact sur nos choix de vie, nos valeurs, non pas par leur discours, mais à cause de leur agir, de leur engagement et de leur passion. Il s'agit de quelqu'un de disponible et de vrai, faisant partie du quotidien. Une personne ordinaire qui accomplit de grandes choses et qui nous donne le goût d'être comme elle. C'est ce que l'on appelle un modèle accessible, c'est-à-dire une personne qui exerce une influence, de par la nature de ses valeurs personnelles et professionnelles, de son intégrité, de ses attitudes ou de sa quête d'excellence.

En tant qu'enseignante et qu'enseignant, nous côtoyons les élèves de façon journalière et nous avons un grand pouvoir d'influence sur eux. De là l'importance d'être sensible à ce phénomène et d'optimiser les chances d'avoir un impact positif sur leurs valeurs en ce qui a trait à la soif d'apprendre, de vivre en français, leur religion, le développement durable, etc. Il est donc pertinent de servir de modèle accessible. Et pour cela, il faut faire preuve d'intégrité et de congruence… nos bottines doivent suivre nos babines.

Aussi, il est important d'exposer les élèves à des modèles accessibles. On doit également favoriser les contextes et situations qui vont leur permettre de servir de modèles accessibles pour les autres et d'être sensibilisé au pouvoir d'influence qu'elle et il peut exercer sur son milieu.

AGENTE / AGENT DE CHANGEMENT

Il y a plusieurs définitions du mot « leadership ». En pédagogie culturelle, on utilise la définition de Tannenbaum :

« Une influence interpersonnelle, exercée dans une situation donnée, et dirigée par un processus de communication vers l'atteinte d'un but spécifique. »
Ceci parce que nous croyons que toute personne peut exercer du leadership à condition qu'elle soit proactive.
Il faut donc encourager les gens à passer du mode « oui mais » au mode « oui et ».

C'est à ce moment qu'une personne a le pouvoir d'être agente / agent de changement.

Aussi, il faut savoir reconnaître les étapes du changement c'est-à-dire le malaise, la remise en question, l'exploration et l'engagement, puisque notre rôle à titre d'agente / agent de changement peut varier selon le contexte de changement dans lequel cette personne se trouve. Ceci nous permet de mieux accompagner la personne dans sa construction identitaire.

SOURCE DE MOTIVATION, DE RÉFLEXION, D'ACTION ET DE CHANGEMENT

Il est faux de croire que l'on puisse réussir son identité. Il faut éviter de confondre le mot « évaluation » avec le mot « testing ».

La culture de l'évaluation s'est installée peu à peu en éducation et nous amène à regarder davantage le processus de l'expérience éducative ou culturelle dans son ensemble. Malgré que l'on ne peut pas vraiment évaluer la construction identitaire, nous savons qu'il est possible de documenter la transformation humaine par le témoignage, l'objectivation, la rétroaction, le « raconte-moi ton histoire ». Ce sont des outils courants de notre pratique. Nous portons un regard critique en trois temps :

Ce que l'expérience a donné au bout du compte : le résultat
Comment nous avons vécu et participé à l'expérience : le processus
Ce que vivre cette expérience m'a permis de devenir comme personne : l'impact personnel sur la construction identitaire

En tissant la culture de l'évaluation à même le contexte éducatif et culturel, on crée un espace où l'on accueille la réflexion critique, la rétroaction constructive et le dialogue proactif. On permet à l'élève de développer et d'atteindre le sixième niveau de la taxonomie de Bloom, celui : d'arranger, d'argumenter, d'évaluer, de rattacher, de choisir, de comparer, de justifier, d'estimer, de juger, de prédire, de supporter…

En invitant la personne à poser un jugement de façon quotidienne, non seulement on lui permet de poser un regard critique sur elle-même, mais on lui permet de se forger de nouvelles opinions. Cette nouvelle perspective mène à un changement de valeurs, d'attitudes et de comportements… On lui permet donc de se construire.

Un météorologue du nom d'Edward Lorenz nous explique l'effet papillon avec la métaphore suivante : « le battement d'ailes de papillons à Paris peut provoquer, quelques semaines plus tard, une tempête sur New York ». Cet exemple est à la base de l'activité pédagogique en milieu minoritaire. Peu importe la teneur d'une initiative, on ne connaît jamais le véritable impact des gestes que l'on pose sur la construction identitaire des gens qui nous entourent. Par conséquent, on comprend que la transformation humaine est difficile à mesurer et à documenter. Il est difficile de conceptualiser un test ou un thermomètre qui permettrait de mesurer le niveau de conscience culturelle d'une personne. Par contre, l'intuition pédagogique ainsi que les données cardiaques nous permettent d'être en mesure de reconnaître les petits phénomènes qui, dans leur ensemble, donnent lieu à une grande transformation.

Le modèle de la pédagogie culturelle propose des pistes d'observations pour chacun des sept fondements, permettant ainsi à l'enseignante et à l'enseignant de porter un regard critique sur le cheminement des élèves, la qualité de la dynamique de la classe et l'évolution de leur espace francophone en milieu minoritaire.